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Les Secrets de la Grotte Chauvet

La grotte Chauvet a 37 000 ans, la grotte de Lascaux en a 23. Elle témoigne d'une même forme de pensée qu'on pourrait appeler une pensée mythique, qui fonctionne avec des symboles mythiques dont on a des fragments dans les grottes. Et la continuité que l'on observe entre Chauvet et Lascaux pourrait laisser penser qu'on est dans le même continuum, qu'on est dans le même temps.


Les Secrets de la Grotte Chauvet
Les Secrets de la Grotte Chauvet

Or ces 14 000 ans de distance doivent les séparer, les distinguer par quelque chose. Personnellement, je vois que l'art de Chauvet, mais bien sûr je le sais, a un côté plus expressionniste, moins évolué. Il est moins abstrait, je dirais, que Lascaux.


Et ce que j'appelle l'abstraction à Lascaux, c'est que cet art est complètement déconnecté du contexte. Les animaux sont tous flottants, associés les uns les autres, jusqu'à remplir un espace. Dans la grotte Chauvet, ils sont encore en situation quasi naturaliste.


On les voit marcher, ils ont des actions, ils ont même des interactions entre eux. Et ça, ça marque probablement le début de cette longue expression qui va durer 25 000 ans. La grotte Chauvet a été choisie dans un paysage qui est exceptionnel, celui des Gorges de l'Ardèche, et qui est singularisé par la présence du pont d'Arc, qui est facile à mémoriser, qui marque les esprits.


Cette grotte est grande, mais elle est surtout marquée parce que c'est la grotte de l'ours. L'ours y vit depuis des dizaines de millénaires. Il se retire pour hiverner dans la grotte, et les femelles mettent bas pendant leur hivernage.


On a quand même un site qui est résolument celui de l'ours, occupé par l'ours, qui l'a marqué de son empreinte, de ses cadavres, de son odeur probablement. Il a fallu une grande volonté, une grande abnégation sans doute, et un courage physique pour s'installer dans le devoir de l'ours. Alors très rapidement, c'était des chasseurs, ils savaient bien que les ours à la belle saison n'étaient plus là.


Néanmoins, ils sont rentrés en compétition avec l'ours dans son milieu, s'y sont installés et ont marqué leur territoire. Le marquage territorial dans la grotte Chauvet est peut-être dû au fait, son intensité est peut-être dû au fait qu'il était en concurrence avec un autre habitant, l'ours. Dans la grotte Chauvet, pour l'ensemble de raisons que nous venons d'évoquer, le territoire de l'ours, les hommes ont particulièrement marqué le territoire, ils ont sociabilisé un espace avec tous les marqueurs dont ils disposaient.


Ils ont aménagé des blocs sur le sol, ils ont creusé et récupéré de l'argile, utilisé les ossements d'ours en les déplaçant, en les verticalisant, en installant des crânes dans la salle dite nu crâne, en posant ce crâne ostensiblement sur un bloc, puis après en utilisant de la couleur rouge, appliqué à la main, pulvérisé. Il y a eu une myriade d'outils en silex abandonnés, nous avons trouvé une saguée en ivoire, il y a des morceaux de bois, énormément de foyers sur le sol, construits, abandonnés, des traces de mouchages de torches. Très sincèrement, je ne connais pas d'autres grottes de cette importance ayant tous les témoignages d'une telle volonté de s'installer dans un espace et de le marquer.


Les Secrets de la Grotte Chauvet
Les Secrets de la Grotte Chauvet


Les groupes de chasseurs qui ont ornés la grotte Chauvet ont figuré un certain nombre d'espèces animales singulières, particulières, comme le rhinocéros, le mammouth et le cerf-mégacéros, mais ils ont eu une attention pour le lion. Ils l'ont beaucoup représenté et surtout dans des attitudes et sous des formes absolument inhabituelles. D'abord, on a des lions en interaction, en dynamique de chasse, il y a une chasse symbolique et peut-être une chasse mythique figurée dans la dernière salle, mais plus que tout, on est marqué par la représentation des têtes de lions, des physionomies de lions et enfin, parmi ces physionomies, dans la salle du fond, les têtes de lions, il y a quatre ou cinq lions vus de profil qui ont deux yeux sur le même parti du visage, sur le visage qui est du côté de l'observateur, comme si l'acuité du regard de ce grand prédateur était l'objet de l'insistance ou comme si aussi ce lion, si particulier, regardait aussi le spectateur, c'est-à-dire nous-mêmes quand nous y sommes.


Peut-être cette représentation de lion est une mise en miroir de l'humain chasseur.


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