Le 12 septembre 1940, quatre adolescents explorent une cavité dans le bois de Lascaux en Dordogne. En tête de cette petite expédition, Marcel Ravida, un enfant du pays. Ils ne se doutent pas qu'ils viennent de pénétrer dans l'une des plus fantastiques grottes préhistoriques.
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Quelle est l'histoire de la découverte de la grotte de Lascaux ? |
Une incroyable découverte qui tient donc en bonne part au hasard, mais aussi à la curiosité d'un chien nommé Robo et à la hardiesse de son maître. En voici le récit. 8 septembre 1940, un triste été s'achève en France.
En juin, le pays a capitulé face à l'Allemagne, abandonnant à l'occupant la moitié nord et la façade atlantique, tandis qu'au sud est établi le régime collaborationniste de Vichy. Longée par la ligne de démarcation, la Dordogne, elle, se trouve en zone libre. Et ce jour-là, Marcel Ravida, apprenti garagiste de 17 ans, se promène dans les collines qui bordent son village de Montignac.
Avec lui, son chien, Robo, qui s'en donne à cœur joie, poursuit un oiseau, rapporte à son maître un bâton, bref, il profite du plénaire. Quand soudain, un lapin traverse la langue, Robo se lance à sa poursuite. Le gibier est très agile, il se faufile entre les herbes et disparaît dans un temps.
Le chien le suit et se volatilise à son nom. Marcel se rapproche. L'entrée est gênée par un arbre déraciné.
Il appelle son chien. « Robo ! Robo ! » Mais pas de réponse. Marcel s'inquiète, il est très attaché à son chien.
Et si c'était un terrier de renard ? Si Robo était pris au piège ? Heureusement, le chien ressort indemne, mais bredouille. Marcel lance alors quelques pierres dans le trou, au cas où le lapin s'y terrerait encore. Mais quelque chose l'intrigue.
Le bruit produit par la chute des pierres ? Puis, il se penche. Il essaie de s'y glisser, mais il n'y parvient pas. Le conduit est trop étroit pour ses larges épaules.
Quelque chose de taraud. Après tout, il a déjà entendu dire que les collines de la région sont creusées de tunnels. Ils mèneraient soi-disant au souterrain du manoir de Lascaux, le château voisin.
Certains parlent même d'un trésor caché. Il est tard, il doit rentrer, mais il se promet d'y revenir pour une exploration plus approfondie. Quatre jours plus tard, le 12 septembre, équipé d'un peu plus de matériel, il croise en chemin trois camarades.
Il y a là Jacques Marsal, 15 ans, lui aussi de Montignac, accompagné de Simon Coinka, 15 ans, réfugié dans la région, et Georges Aniel, 16 ans, en vacances chez sa grand-mère. Ils viennent de rendre visite à des jeunes filles réfugiées qui arrivent de Lorraine. Elles sont hébergées à la ferme du manoir de Lascaux et conduit les voici qui traînent à la recherche d'une nouvelle occupation.
Marsal leur parle alors de son trou et du trésor. Et voilà la jolie petite bande qui arrive au pied de l'arbre déraciné. Quelques coups de couteau, l'entrée est dégagée et Marsal se glisse dans le passage.
Il descend un étroit boyau et se retrouve au sommet d'une pyramide bédouin. Marsal la dévale jusqu'en bas et appelle ses compères. Ils hésitent un peu mais, un à un, ils leur rejoignent.
Pas question de se faire traiter de froussards. Pourtant, il n'en mène pas large. La forte humidité a fait subitement baisser la température, contrastant avec la chaleur extérieure.
Et les garçons n'ont avec eux que de petites lampes à huile de fortune qui éclairent faiblement les parois de la salle où ils avancent presque à tâton. Qui sait ? Une bête sauvage pourrait y avoir élu domicile et se tenir à l'affût, prête à bondir sur les jeunes gens. Qui entendra leur cri ? Qui viendra les chercher ici ? Alors, pour se donner du courage, on plaisante, on se frôle pour se faire peur et s'enfaronne.
La galerie devenant de plus en plus étroite, ils rasent les murs et constatent alors que les tâches qui ornementent les parois ont des formes étonnantes. Mais oui, en y regardant de plus près, ce sont des animaux qui ont été dessinés ici. Des chevaux, des orocs, des bisons.
Cette fois, les adolescents ne ricanent plus. En silence, ils contemplent les murs et le plafond de ce qu'on appellera plus tard la chapelle Sixtine de la Préhistoire. Protégés du ruissellement et de l'air extérieur par une épaisse couche d'argile, les dessins de la grotte présentent un état de conservation remarquable.
Extrêmement nombreux, le plus souvent figuratifs, ils sont d'une grande beauté. Ce qui fait de cette caverne un lieu unique. À la fois œuvre d'art et incroyable témoignage des temps préhistoriques.
Mais pour Marcel, Jacques, Georges et Simon, la découverte est d'abord très amusante. Et ils se lancent alors dans un fabuleux jeu de pistes. Les ramifications de la grotte sont explorées en long, en large et en travers.
Ici, des bouctins, des cerfs, des félins. Et là, des formes géométriques. Ils n'interrompent leur exploration qu'une fois parvenus au bord de ce qui leur semble être un précipice.
De retour chez lui, Marcel est plein d'enthousiasme. S'il n'a pas trouvé de tunnel secret relié au château, il a bel et bien mis la main sur un trésor. Mais comme ils se le sont promis, ni lui ni les autres ne disent mot de leur découverte.
Le lendemain, les quatre garçons reviennent à la grotte. Cette fois-ci, ils se sont munis de cordes. Marcel, toujours aussi intrépide, descend le premier dans le trou devant lequel ils se sont arrêtés la veille.
Un vide de huit mètres de profondeur, au pied duquel ils découvrent la fresque la plus énigmatique de Lascaux. L'émouvant dessin d'un chasseur à tête d'oiseau, renversé par un bison en pleine charge, lui-même éventré par une saguée. Après deux, le dessin d'un bâton surmonté d'un oiseau.
Et à distance, un rhinocéros qui tourne le dos à la serre. Les jours suivants, les escapades quotidiennes de Marcel finissent par mettre la puce à l'oreille de ses parents. Surpris de le voir revenir à la maison, couvert de poussière, ils l'interrogent et Marcel raconte.
Le 16 septembre, l'instituteur Léon Laval est mis dans la confidence. Croyant à une plaisanterie, il envoie un ancien élève, Georges Estréguil, qui lui rapporte quelques croquis de ce qu'il a vu. Très intrigué, Laval descend à son tour dans la grotte le 18 septembre et devine aussitôt la portée phénoménale de la découverte.
La rumeur se répand alors comme une traînée de poudre et une joyeuse effervescence saisit le petit village de Montignac. Tous veulent aller voir le trou. Des croquis sont réalisés et présentés à l'abbé Breuil, le spécialiste à l'époque de l'art pariétal.
Il visite lui-même le site le 21 septembre et l'authentifie. Lascaux est bien une grotte préhistorique et ses dessins sont des pièces majeures de l'art rupestre. L'abbé Breuil, subjugué par la richesse picturale du site, procède à des premiers relevés.
Presque 700 fresques mais aussi 2000 gravures ornent les parois. La réputation de la grotte enfle et les premiers visiteurs, érudits ou simples curieux, viennent l'admirer. Mais attention, Marcel Ravida garde jalousement son trésor.
Cet hiver-là, il monte sa tente devant l'entrée avec Jacques et fait payer 2 francs la visite. À cette époque, il faut encore ramper derrière lui dans l'étroit boyau pour entrer. Les fresques se méritent et leur accès à garder ce petit parfum d'aventure qui plaît tant à Marcel.
Après la guerre, la renommée de Lascaux explose. Ouverte au public en 1948 après de lourds travaux d'aménagement, la grotte a pour guide officiel Marcel et Jacques. Ils sont plus de 1000 par jour venus parfois de très loin pour admirer la découverte archéologique la plus étonnante du XXe siècle.
Quelle fierté pour Marcel de faire découvrir ces dessins restés cachés pendant si longtemps et dont on sait aujourd'hui qu'ils ont été réalisés il y a 17, 18 000 ans. Hélas, Lascaux est rapidement victime de ce succès. Dès la fin des années 1950, Marcel signale la présence de premières algues vertes qui corrodent les parois.
C'est notamment l'excès de dioxyde de carbone ou l'éclairage artificiel qui en sont responsables. Et puis, il y a aussi ces visiteurs peu soigneux qui touchent les fresques ou gravent leur nom sur les murs. Lascaux est en danger.
Le 17 avril 1963, André Malraux, qui était alors ministre de la Culture, prend la décision d'interdire l'accès à ce dernier au grand public. Vingt ans plus tard, en 1983, un fac similaire de Lascaux est ouvert au public ,Lascaux II.
Il propose une réplique des parties les plus représentatives de la grotte. Il faut attendre 2016 pour voir une reconstitution 100% fidèle à l'original, Lascaux IV. Les dessins et les gravures sont reproduits au millimètre près selon les techniques et l'art des hommes de Cro-Magnon.
À 200 mètres de là, la grotte de Lascaux est désormais en paix. Seuls, quelques chercheurs sont autorisés à y pénétrer, retrouvant peut-être l'ambiance si particulière qu'a connue Marcel Ravida le 12 septembre 1940, celle d'un face-à-face entre l'homme et son lointain ancêtre.