Le vrai mirage du désert n'est-il pas l'idée qu'on s'en fait ? On le croit de sable, il est surtout de pierres et de rocs. Il est brûlant et brûlé, mais aussi froid. Sous son sol misérable, nous savons déjà quelle richesse se cache.
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Tassili : Les fresques de la vie gravées dans la pierre du temps |
Le désert : Mirage des sables et mystères des roches
Pays sans image, il se peut qu'il en possède parmi les plus anciennes que l'homme ait su donner de l'homme. Une fraîcheur de palmes, la certitude du blé. L'oasis et le jardin qu'il faut quitter pour les espaces où la pierre et le sable exercent leurs lois.
Au-delà de la patience, se trouve le ciel. C'est un proverbe d'Étoirègue. On y songe ici devant ces lits desséchés, devant ces falaises qui composent une leçon d'anatomie du monde désert.
Quels sont les personnages ? Ils s'appellent la solitude, le silence, le vent, la chaleur du jour, le froid de la nuit, l'absence. Parmi les poudres mortes et les rocs calcinés, ces personnages chaque jour reparaissent comme si le temps n'existait pas. Le soleil pourtant n'a pas toujours cuit et recuit la croûte du tassili n'ajjer.
Histoires de l'homme et de la nature : Scènes d'un passé lointain
Dans ce présent, calcinés jusqu'à l'eau, des arbres témoignent d'un passé différent. Alors le cyprès, l'olivier n'étaient pas des exceptions. Le Sahara tout entier se couvrait d'une végétation méditerranéenne.
Il y a 4000 ans avant notre ère, des rivières coulaient, l'eau ne manquait pas. À l'échelle de l'histoire du monde, c'était ce matin. Le vent, les anciennes pluies ont ouvert dans la pierre les nefs et les colonnades de temples vides, sculptant des formes où notre imagination peut à son aise découvrir des ressemblances.
Paysages d'une planète comme abandonnée, où l'homme viendrait atterrir en quête de peuples inconnus, architecture comme ressurgie d'un fond marin. Entre les blocs déchiquetés du grès s'ouvrent des brèches, des gorges, des couloirs, étranges vestibules d'une vaste architecture. Au pied des massifs se creusent des abris.
Était-il habité au temps où l'eau coulait dans les replis du Tassili, quand de grands fleuves traversaient le désert? Puisqu'il y avait de l'eau, il y avait des hommes, nombreux. N'allons-nous pas les retrouver au détour de ces couloirs? Voici des figures parmi les plus anciennes que les hommes tracèrent sur ces roches. Ces mouflons ont encore les pattes engourdies et cet éléphant volant, la queue palmée.
L'art préhistorique : Témoignage vivant du génie humain
C'est ici l'époque archaïque, trois, quatre mille ans avant Jésus-Christ. Pourquoi l'homme voulait-il imposer l'empreinte de ses mains sur la paroi? Pour implorer, pour chasser les mauvais esprits? Autour de la main, on pulvérisait de la couleur et l'empreinte se dessinait en réserve. Ces personnages ont la même tête ronde.
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Tassili : Les fresques de la vie gravées dans la pierre du temps |
Hommes vêtus de cagoule ou simplification magique. Dans ces sociétés africaines, n'est-il pas naturel de voir apparaître des personnages masqués? Et parfois, le masque sur la paroi est comme un symbole inconnu. Le masque n'est pas fait pour cacher.
Il révèle la puissance mystérieuse dont celui qui le porte est investi. Que signifient ces images? Nous l'ignorons. Peut-être ne le saurons-nous jamais.
Les explications sont ici des conjectures. Il faut s'en méfier et se contenter de regarder. Dans cette Afrique préhistorique, nous retrouvons des scènes et des personnages que nous pouvons voir dans les forêts ou les savannes de l'Afrique d'aujourd'hui.
Ce qui était simple croquis devient dessin plus savant. Des antilopes aux aguets, frémissantes, prêtes à s'enfuir d'un bond. Oeuvre d'un peintre qui a observé ces modèles et qui sait comment fonce le rhinocéros furieux.
Tout un bestiaire prouve que l'herbe et les feuilles étaient abondantes. Sur un tassili, alors couvert de pâturages, vagaient de grands troupeaux. Une expression naturaliste s'épanouit alors, qui souligne d'un trait amoureux le dessin des cornes.
Ces pasteurs représentaient leur richesse. Ce sont ainsi de lents troupeaux qui montent vers nous du fond des âges. Une civilisation pastorale révèle soudain sa vie.
La famille, le troupeau, la case sur le miroir sans teint de la roche. Parfois un signe, comme un hiéroglyphe inconnu. Un peuple nombreux vivait ici avec le souci de l'herbe, du lait, de la viande, des jeunes bêtes et dont disputaient des affaires de la tribu.
Album sur la pierre, d'une humanité lointaine et proche. Images que nous croyons reconnaître dans cette vieille nuit des origines que l'homme porte en soi. Pour peindre, on broyait en poudre la pierre colorée ou les ocres du sol.
On délayait cette poudre dans l'eau ou dans le lait. Puis on dessinait la forme avec un pinceau. La couleur pénétrait dans les grès poreux assez profondément pour que ni pluie, ni vent, ni siècle ne la puissent effacer.
Voici que naissent du rocher des fêtes hors de toute mémoire. En quel honneur et pour quel rite, haute et savante coiffure sur des corps nus. Déjà commence, il y a des millénaires, la danse de l'Afrique.
Il est presque inutile de souligner le caractère moderne de ces images, le goût pour la ligne épurée, le souci de ne représenter que l'essentiel. Tout cela s'adresse aux hommes du 20e siècle qui s'étonnent soudain de voir leur recherche précédée de 5000 ans par la naïveté de ces artistes. Nous sommes dans la familiarité de ces peuples.
Mais que devinrent-ils quand le tassili, tous les jours, s'asséchait. Parfois la paix pastorale des meneurs de troupeaux cède la place à la fureur des guerriers. On se bat à flanc de rocher.
La raison des combats se perd toujours dans les sables, comme s'y perdent l'eau des orages. Mais ne s'est point perdu l'art de ceux qui retinrent à jamais l'élan des guerriers, la cambrure des corps qui tendent l'arc, la fuite et la poursuite. Parfois les archers semblent accomplir les gestes d'une danse rituelle.
L'arc est avec la femme et le troupeau le compagnon de l'homme. Peut-être même est-il l'emblème de sa force et de sa fierté. Sur les roches du tassili, pendant des siècles, les hommes ont dessiné, gravé, peint ce que voyaient leurs yeux.
Ce sont des centaines de milliers d'images qu'il faudrait montrer. Nulle part l'art de la préhistoire n'a connu une telle abondance. Mais cet art déclina, perdu de sa vérité.
Ce lion, épineux comme un cactus, s'accompagne déjà de signes abstraits qui vont remplacer les dessins. Le chameau apparaît, prophète du sable, il annonce le désert. Environ 2000 ans avant Jésus-Christ, le tassili commence à se transformer et son art aussi se dessèche puis disparaît.
Ici pourtant, l'homme a tracé sur la pierre rude des images durables malgré le temps. Ainsi le désert n'est pas le désert.
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